Je m’appelle Arnaud Lallemand, expert aménagements équestres chez Horse Stop. J’accompagne entre autres les projets d’écurie active. Je suis évidemment passionné par le comportement équin et insatiablement curieux des méthodes d’hébergement et d’élevage qui améliorent le bien être, et la santé des chevaux. Ingénieur agro, titulaire du DU d’éthologie de l’université de Rennes, je veille à me tenir informé de l’avancée des connaissances en matière d’éthologie équine. J’ai été interpelé au cours des Journées science et innovation équine de l’IFCE 2019 par une publication présentée par Mathilde Valenchon (Bristol University) à propos de la maturation sociale et comportementale tardive chez le cheval de sport.

élevage de chevaux de sport en troupeau

Le support de l’étude était l’élevage des Dannes dont les méthodes sont très atypiques et probablement très avant-gardistes.

L’élevage des DANNES est installé à Saint-Rémy dans le département de la Haute-Saône. Il héberge environ 250 chevaux d’élevage, de sport et de pension sur environ 250 ha. Originaires de Suisse, Kurt et Monika Fuchs ont créé cet élevage orienté vers le CSO. Ils ont la ferme intention d’élever les chevaux pour le haut niveau de façon naturelle. En effet, ils ont l’intime conviction que le respect des comportements sociaux et d’un développement naturel et harmonieux au rythme du cheval forgera un athlète robuste et au mental équilibré. Faisant fi des conduites d’élevage traditionnelles.

Ainsi, ils ont opté pour un mode d’élevage en troupeaux mélangeant âges et sexes (en dehors du mélange étalons / juments pour conserver la maîtrise des croisements). Ces méthodes d’élevage ne vont en rien à l’encontre des performances sportives. En effet, les enfants de Kurt et Monika valorisent les produits de l’élevage jusqu’en épreuves internationales à plus d’1m50.

La philosophie de cet élevage des Dannes

Après avoir été chaleureusement accueillies par Kurt et Monika, ces derniers m’explique la conduite et la philosophie de l’élevage.

D’abord, les chevaux vivent tous en groupes d’âge mixtes. Mâles, hongres, juments et jeunes, chevaux d’élevage, de compétition ou de pension vivent tous en troupeaux. Les chevaux ont donc tous des relations sociales avec des chevaux de différentes tranches d’âge. La philosophie maison : « les lions apprennent des lions, les singes apprennent des signes et les chevaux apprennent des chevaux ». De ce fait, briser ce lien générationnel n’aurait pas de sens.

L’hébergement individuel générant beaucoup de mal être et de pathologies, il est donc proscrit. Bien au contraire, les jeunes chevaux ayant une place bien définie au sein d’un groupe social, la pression sociale et l’agressivité diminuent. Les scientifiques ont d’ailleurs largement démontré cela non seulement chez le cheval, mais également chez de nombreuses autres espèces sociales.

Le cycle d’élevage

Les poulinages sont faits en stabulations isolées pour apporter tous les soins individuels nécessaires. Les poulinières suitées sont évidemment en troupeau et le sevrage se fait par la mère : c’est elle qui est changée de troupeau et le poulain qui demeure dans le groupe social qu’il connait, composé d’autres jeunes, mais aussi de nombreux chevaux adultes.

Élevés avec une alimentation sans céréales, les jeunes ont une croissance lente et sont débourrés vers 4 ans selon leur développement. Ils ne sont pas isolés de leur groupe social et restent dans le troupeau.

Les produits de l’élevage sont ensuite sortis en compétition en fonction de leur capacité et sont commercialisés. Ils n’auront jusque là jamais cessé de vivre en troupeau. Ils sont régulièrement suivis par les professionnels de santé (vétérinaire, dentiste, pareur, etc.). Les chevaux restent tous pieds nus y compris en compétition, c’est le choix de la maison.

Les poulinières suitées

Une fois les bases théoriques posées nous partons faire le tour des troupeaux en commençant par celui des poulinières suitées accompagnées d’autres chevaux en repos, pension retraite, etc. Installés dans une grande pâture de plus de 10 ha, la dizaine de poulains de l’année bénéficie de contacts sociaux entre jeunes, mais aussi avec des chevaux plus vieux qui régulent avec bienveillance l’énergie de la jeunesse. Situé près de la maison, ce parc bénéficie d’une surveillance permanente qui facilite les soins aux poulains et leurs manipulations.

Les chevaux au travail

Nous visitons ensuite un autre groupe composé des chevaux au travail des jeunes au débourrage accompagnés de chevaux plus âgés, de retraités, etc. Je remarque tout de suite la taille du groupe qui dépasse facilement les 40 individus. Le parc situé près des aires d’évolution et des installations de travail des chevaux permet de les avoir rapidement sous la main. Là se côtoient des chevaux tout juste débourrés et des chevaux plus expérimentés jusqu’à des chevaux participant à des épreuves internationales. Hongres et juments sont mélangés et un calme olympien règne sur le troupeau. Après avoir pris le temps de faire le tour des chevaux, nous changeons de pré.

Les hongres et les juments

Nous arrivons dans une autre très grande parcelle où sont installés des hongres et des juments. Encore une fois le groupe dépasse les 40 individus. Le troupeau est indifféremment composé de hongres et de juments de tous âges et de toutes races. Si les chevaux « maison sont tous d’origines de CSO, les chevaux de pension peuvent être Arabes, appaloosas, Ibériques, etc. Deux groupes de chevaux distincts se sont clairement formés au sein de ce troupeau. Là aussi le calme règne, je suis une fois de plus impressionné par les faibles distances entre les individus. La saison est propice à se chasser mutuellement les mouches, mais si le troupeau n’avait pas été si harmonieux, les distances entre chevaux auraient été plus importantes.

Les mâles

Enfin, nous allons rendre visite au pré des mâles. Une parcelle de grande dimension y héberge pêle-mêle, hongres, et étalons âges de 2 à 20 ans, selle français, chevaux allemands, ibériques, gipsy cob, arabes, et même un percheron. Contrairement à tous les a priori que j’aurai pu avoir, ce groupe est parfaitement calme. Tous les chevaux se laissent approcher et caresser comme des poneys de club. Aucun ne cherche à mordiller ou ne montre la moindre agressivité. Ils sont relax !

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« Le groupe est hiérarchique, le troupeau est social»

De retour à l’élevage, je questionne Kurt sur la raison de groupes aussi nombreux. Sa réponse donne à réfléchir : « Le groupe est hiérarchique, le troupeau est social ». C’est pour moi, la grande leçon du jour. Il a remarqué que si le nombre de chevaux est faible dans le groupe, ce sont les relations de dominance (la hiérarchie) qui dictent les règles sociales. Comme les chevaux ne doivent pas forcément s’entendre, la hiérarchie prime. Dans ce cas, le dominant a un accès privilégié aux ressources. Les autres passent ensuite après en fonction de leur rang dans la hiérarchie.

Dans un troupeau nombreux, les chevaux ont « statistiquement » plus de chance de trouver un partenaire avec qui ils auront plus d’affinités. Chacun pouvant se « faire des amis » à sa guise et n’étant pas contraint de rester à proximité des chevaux qui lui poseraient des soucis de dominance. Dans cet exemple, les relations affinitaires régissent le troupeau davantage que la hiérarchie. Du moins, celle-ci ne s’exprime que de façon très discrète. Un troupeau important est socialement plus calme et plus facile à gérer qu’un petit groupe de chevaux.

Le mot de la fin sur l’élevage des Dannes…

En réalité : plus le troupeau est important, plus cela facilite les relations entre individus. Fort de ces observations et de cette nouvelle approche, je repars plus riche d’enseignements de cette visite. Je me servirai de ce que j’ai appris ici pour améliorer mes conseils auprès de porteurs de projet d’écurie active.

L’élevage des Dannes a été plusieurs fois primé pour la qualité du bien-être apporté aux chevaux. Il obtient d’ailleurs en premier le maximum de 5 étoiles à la certification LAG (Suisse) en France.

Je tiens à remercier Kurt et Monika Fuchs pour leur accueil, le temps qu’ils m’ont accordé et la qualité de nos échanges. Je tiens à les féliciter pour leur engagement et l’exemple particulièrement inspirant qu’ils montrent. Ils font à la fois la preuve que vie en troupeau et compétition de haut niveau peuvent aller de pair. Ils permettent également à de nombreux étalons et entiers d’avoir une vie sociale normale brisant ainsi beaucoup d’idées reçues.

Vous pouvez contacter l’élevage des Dannes sur leur site web et via Facebook :

http://www.lesdannes.com/

https://www.facebook.com/Chevauxdesdanne