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Au mois de septembre et d’octobre se déroulent à Fontainebleau, Saumur, Pompadour, Uzès et Compiègne les finales des épreuves d’élevage organisées par la SHF. Elles sont destinées aux jeunes chevaux de 4 à 6 ans et ont un double objectif de formation et de sélection. Ce circuit n’est pas le seul en Europe mais son organisation, les services qu’il propose ainsi que la qualité et la progressivité de la formation des chevaux font l’unanimité des professionnels et en fait le plus abouti au monde. La France est un pays d’élevage équin réputé. Cela résulte d’un maillage territorial et du professionnalisme des éleveurs et formateurs de jeunes chevaux. Malgré tout, ce modèle reste fragile du fait de la rentabilité parfois très faible de certaines des étapes du processus notamment les premières que sont l’élevage et le début de la valorisation. Le coût d’élevage et de production d’un jeune cheval doit être maitrisé toute en garantissant le meilleur développement physique et comportemental de ce futur sportif. L’occasion de porter une réflexion sur le mode d’hébergement et les méthodes d’élevage.
La conduite en lots remise en question
La tradition probablement issue de l’élevage des autres espèces amène les éleveurs à procéder à une conduite en lots. En pratique, les poulinières vivent ensemble, les 1 an sont parfois ensemble et à partir de 2 ans, chaque classe d’âge et divisée en un lot de mâles et un lot de femelles. Les études d’éthologie sur toutes les espèces sociales y compris le cheval ont pourtant montré qu’en l’absence d’adultes, les interactions entre jeunes étaient plus violentes et qu’une proportion d’adultes importante dans le groupe permettait d’une part de réduire l’intensité des interactions agonistiques mais permettait aussi au jeune d’ajuster de façon plus fine ses interactions sociales. Exprimé de façon plus simple, le jeune cheval se faisant rappeler à l’ordre par ses ainés apprend à modérer ses comportements. Ce qui ne peut être que bénéfique pour ses apprentissages futurs et pour la sécurité des personnes qui auront à s’en occuper. Un mode de conduite plus mixte en termes de catégorie de chevaux est déjà utilisé par bon nombre d’éleveurs avec succès.
L’hébergement individuel ?
Revenons aux fondamentaux. Quelle est la fonction de l’hébergement individuel ? Éviter que les chevaux ne se blessent entre eux d’une part et permettre à chacun de manger sa ration de façon individuelle. L’écurie active répond à ces deux problématiques en individualisant l’alimentation et en proposant un cadre de vie propice à une ambiance calme et où les chevaux ne sont pas frustrés donc où les relations de dominance ne s’expriment pas dans la violence. L’hébergement individuel n’a alors de sens qu’à partir du moment où le groupe de chevaux n’est pas stable. Il reste évidemment la question des chevaux entiers et des chevaux de commerce qui ne restent pas dans l’écurie. Pour tous les autres, la question d’un hébergement collectif en écurie active mérite d’être posée.
L’hébergement au box ?
Que ce soit pour l’hébergement de jeunes chevaux ou de chevaux plus âgés, le box est de plus en plus remis en question. Dans certaines disciplines comme l’endurance ou le trot, il est de moins en moins utilisé. Les chevaux sont hébergés dans des parcs ou des paddocks et ne sont rentrés que pour être travaillés ou recevoir des soins avant de retourner dans des espaces où ils conservent un niveau d’activité plus important et une locomotion libre. Quand on sait que le confinement au box est responsable de l’apparition des stéréotypies et des conséquences que cela peut avoir en termes de valorisation et de performance chez le cheval, il est économiquement incontournable de se poser la question d’un mode d’hébergement plus en phase avec les objectifs de l’écurie d’une part et avec le niveau de bien-être accordé aux chevaux d’autre part.
Un modèle à créer ?
Pourquoi ne pas réfléchir à une écurie proposant une conduite qui reprend les bases du modèle social sauvage des chevaux avec un lot de chevaux composé de poulinières et de leur suite en dehors des mâles entiers qui devront être hébergés individuellement (pas forcément en box strict) à partir de leur puberté. Le fait que ces chevaux travaillent n’interfère pas avec leurs comportements sociaux à partir du moment où le groupe dans lequel ils vivent est stable. Il n’est pas envisageable d’imaginer un hébergement collectif pour une écurie de commerce où les chevaux ne passent qu’un court séjour. Par contre, dans une structure où les chevaux sont destinés à vivre sur une longue période de valorisation (du poulain au cheval de 4, 5 ou 6 ans), les nombreux avantages tant en termes de bien-être, de préservation du moral des chevaux que de gain de temps et de réduction de la pénibilité pour le personnel plaident tous pour un hébergement en groupe.
Les besoins par disciplines
Si les finales d’attelage restent moins courues et moins professionnelles que celles de CSO, Dressage, CCE et endurance, ces deux dernières disciplines ont aussi la spécificité de demander un effort d’endurance aux chevaux. Les préparateurs de ce type de chevaux attachent donc une grande importance au fait que le cheval passe un maximum de temps hors du box à pouvoir marcher. On pourra donc légitimement se tourner vers des modes d’hébergement qui iront du box paddock individuel au paddock avec abri individuel voir dans peut être quelques années à un hébergement collectif comme c’est déjà le cas chez bon nombre d’entraineurs de trotteurs de haut niveau.
Pour le CSO et le dressage, il semble que pour le moment peu de structures sont prêtes à remettre en question l’hébergement individuel au box qui offre entre autres la dimension pratique du fait que le cheval soit directement disponible et qu’il a tendance à moins se salir que le cheval hébergé en extérieur. Cependant, le cout d’entretien de ce mode d’hébergement est un facteur qui fait de plus en plus réfléchir les chefs d’exploitation. Cette relative praticité compense-t-elle vraiment les heures de manutention et de curage des boxes qu’elle génère ? Le coût des pathologies respiratoires, digestives et comportementales que le confinement au box génère ne justifie-t-il pas la remise en question des vieilles habitudes de travail ?
Enfin, bien que la valorisation des jeunes chevaux soit la phase finale de l’élevage et que des enjeux financiers importants sont en jeu, ne faut-il pas parallèlement remettre la passion au centre ? En effet, au moment où la question de la santé et du bien-être des chevaux est au centre des débats et met à mal certaines disciplines, ne faut-il pas créer un modèle de conduite d’élevage à la fois plus rentable pour l’éleveur et la structure de valorisation mais aussi et surtout plus en accord avec les besoins fondamentaux des chevaux de compétition qui sont avant tout des chevaux tout simplement et qui s’exprimeront d’autant mieux sur la piste qu’ils ont un mode de vie leur procurant équilibre et bien-être.